JTTP 2025
Résultats du 26e Jeu de temps / Times Play
Artistes et soumissions | Évènements | Prix | Jury
De nouvelles pièces d’artistes électroacoustiques, jeunes ou émergent·e·s, du ou vivant au Canada sont à l’honneur dans le cadre de JTTP 2025, la 26e édition de Jeu de temps / Times Play coordonnée par la Communauté électroacoustique canadienne (CEC).









Jeu de temps / Times Play (JTTP) est un projet annuel qui vise à soutenir et encourager la création de nouvelles œuvres d’artistes électroacoustiques, jeunes ou émergent·e·s, du ou vivant au Canada. Un jury international diversifié évalue et sélectionne les œuvres lauréates des prix JTTP et des prix thématiques. Pour chaque édition du projet, plusieurs évènements sont coordonnés pour présenter les œuvres sélectionnées, y compris des diffusions radio des œuvres soumises et des performances des œuvres sélectionnées dans le cadre de concerts présentés par nos partenaires de projet canadiens et internationaux. Divers prix en argent et cadeaux sont remis aux créateurs des pièces les mieux classées et aux lauréat·e·s des prix thématiques. Les soumissions sont présentées dans les pages suivantes et sur Sonus, la sonothèque en ligne de la CEC pour les pratiques électroacoustiques et apparentées.
Lauréat·e·s des prix JTTP et des prix thématiques
C’est avec plaisir que la CEC dévoile les résultats du concours JTTP 2025. Joignez-vous à nous pour souligner le travail des artistes électroacoustiques dont les œuvres ont été sélectionnées par un jury international pour les prix JTTP 2025 et les prix thématiques. Vous pouvez voir et entendre leurs œuvres sur cette page en plus d’y lire les notices biographiques et notes de programme.
Prix JTTP
- Emanuel Brie, Antonin Gougeon-Moisan -- Quand on donne aux choses un sens, rien ne sert de chercher la direction (2024 / 24:17)
- Vivian Li -- Sonic Memories of Fleeting Times | 流声逝忆 (2025 / 15:00)
- [ex æquo] Michele Selvaggi -- Quondam, Apparatus (2023 / 16:30)
- [ex æquo] Justin Tatone -- XIV. Concord 1 - 5 With Concordia Laptop Orchestra (Stereo) (2025 / 22:15)
- [ex æquo] James Player -- Camino de Santiago (2025 / 10:44)
Prix thématiques
- Prix Hildegard-Westerkamp pour l’installation et le paysage sonores
James Player -- Camino de Santiago (2025 / 10:44) - Prix Micheline-Coulombe-Saint-Marcoux pour les artistes électroacoustiques auto‑identifié·es comme femmes ou personnes non binaires
Michele Selvaggi -- Quondam, Apparatus (2023 / 16:30) - Prix Jean-Piché pour la vidéomusique, les nouveaux médias et la programmation créative
Gabriel Geneau -- Ecdysis (2023 / 7:28) - Prix Martin-Gotfrit-Martin-Bartlett pour les pratiques électroacoustiques en direct
Emanuel Brie, Antonin Gougeon-Moisan -- Quand on donne aux choses un sens, rien ne sert de chercher la direction (2024 / 24:17) - Prix Barry-Truax pour les pratiques sonores environnementales ou écologiques
Graeme Dyck -- Frost Worlds: Micro-Geographies of the Anthropocene (2025 / 11:11) - Prix jef-chippewa pour les antécédents culturels autochtones
Cordell Collett -- Nøkken (2025 / 2:44) - Prix Yves-Gigon pour l’œuvre électroacoustique la plus outrageusement insolite
Emanuel Brie, Antonin Gougeon-Moisan -- Quand on donne aux choses un sens, rien ne sert de chercher la direction (2024 / 24:17)
Biographies et notes de programmes

Emanuel BRIE, Antonin GOUGEON-MOISAN
Lauréats du 1er prix JTTP 2025, prix Martin-Gotfrit-Martin-Bartlett pour les pratiques électroacoustiques en direct, prix Yves-Gigon pour l’œuvre électroacoustique la plus outrageusement insolite
Emanuel Brie est un artiste de musique électronique basé à Montréal. Il jumelle sonorités synthétiques, acoustiques, paysages sonores et électroacoustiques, explore comment la matière autour de nous, actuelle et déchue, peut devenir instrument puis elle aussi créer l’émotion par le bruit qui lui devient musique. Le piano demeure le fil conducteur de son évolution musicale. Principalement inspiré par la complexité et l’anarchie organisée de la nature, il construit un univers sonore multicouche où le son de l’instrument acoustique s’ajoute aux textures électroacoustiques. En plus de composer sur différents projets audiovisuels, il complète un baccalauréat en musiques numériques à l’Université de Montréal. Durant son parcours, il explore le feedback et se tourne principalement vers l’installation sonore, dans une démarche axée sur le concept d’écosystème musical. Ses œuvres sont une ode à l’aléatoire, à l’imparfait et à la singularité d’un moment sonore où l’inattendu révèle une empreinte humaine.
Antonin Gougeon-Moisan (il/lui) est un compositeur et concepteur sonore et vidéo de 31 ans originaire de Montréal. Après des études en Création et production à l’École nationale de théâtre du Canada, il joint le studio Mirari à titre de réalisateur multimédia. Pendant six ans, il participe à la création d’une centaine de projets en arts vivants et crée des installations présentées dans plusieurs pays. Étudiant à la maîtrise en Composition et création sonore, son travail d’artiste-chercheur soutenu par le FRQ explore la musicalité de la voix parlée, la transmission du savoir en art sonore documentaire et les liens entre mémoire et son. À travers ses créations, il tisse un dialogue sensible entre mots, images et textures sonores, donnant naissance à des œuvres immersives et évocatrices.


Quand on donne aux choses un sens, rien ne sert de chercher la direction (vidéo — 24:17 / 2024)
Durée: 24:00, en continu pendant 2h30, 3 jours (total de 7h30).
Quand on donne aux choses un sens, rien ne sert de chercher la direction est une installation performative s’inspirant du mode de production capitaliste dans une posture critique. Deux travailleurs vêtus d’une chienne de travail et entourés d’une panoplie d’objets vétustes s’affairent devant nous. Ils scient un tronc de sapin baumier, soulèvent des roches, transvident du sable, transcrivent à la main et sur une dactylo, mais que font-ils vraiment? Savent-ils eux-mêmes ce qu’ils créent ou ne font-ils que suivre l’horloge qui tourne au centre de la pièce? Dans cette pièce, les bruits des matériaux et des gestes révèlent une musicalité où le son réel de la matière se mélange à un assemblage musical l’accompagnant, résultant en un bourdonnement itératif incessant, celui d’une machine qui ne sait s’éteindre. Dans une journée de travail où l’horloge de poinçonnage promet la prochaine pause, le cycle de travail, lui, ne cesse pas. Le quotidien d’un travailleur, manuel ou administratif est composé d’une multitude de gestes formatés. Peut-il tout de même exister de façon unique, être? Au fil de gestes répétitifs, d’actions aux sens incertains pouvant rendre dubitatif, ces deux travailleurs anonymes vivent, devant nous, le spectacle banal de la société moderne. Ils travaillent, gagnent et mangent des pinottes, et recommencent, jusqu’à ce que l’horloge sonne, sans poser de question. Cette installation-performance prend son sens dans sa longueur et son caractère itératif, sempiternel. Elle invite donc les visiteur·trice·s à venir contempler la construction qui s’opère dans la scénographie éclatée à différents moments de la journée, et ce pendant plusieurs jours. Ainsi, dans cette répétition formelle apparente se bâtit un discours parallèle sur l’utilité, la rémunération, la matérialité et l’épuisement du sens.

Cordell COLLETT
Lauréat du prix jef-chippewa pour les antécédents culturels autochtones
Cordell Collett est un compositeur, producteur, ingénieur du son et DJ basé à Edmonton dont le travail transcende les genres, mêlant rap, musique électronique et bien plus encore. Ses productions, caractérisées par une signature sonore distinctive, ont donné lieu à des collaborations avec divers artistes, mettant en valeur sa polyvalence et son approche innovante du son. Actuellement étudiant à l'université de Lethbridge, Cordell explore l'intersection entre l'acoustique, l'émotion et la perception auditive, approfondissant ainsi sa capacité à traduire les sentiments en musique. Alimenté par ces connaissances toujours plus vastes, il continue de repousser les limites de la créativité, créant des expériences auditives immersives qui trouvent un écho chez les auditeurs.
Nøkken (2:44 / 2025)
Nøkken incarne le délicat équilibre de l'existence: lumière et ombre, joie et tristesse, et toutes les nuances qui les séparent. La nature, dans sa vérité brute et sans filtre, reflète cette dualité de manière très profonde. Cette œuvre est une réflexion sur la reconnexion et la danse intemporelle des forces opposées, alors que l'humanité s'est éloignée du divin et du naturel.

Graeme DYCK
Lauréat du prix Barry-Truax pour les pratiques sonores environnementales ou écologiques.
Graeme Dyck (il/lui) est un artiste sonore, écrivain et chercheur originaire de la Saskatchewan dont la pratique sinueuse s'articule souvent autour de questions liées à l'écologie, à la matérialité et à nos relations avec le non-humain. Il a publié des ouvrages combinant musique et mathématiques, remporté des concours de fiction hybride et de non-fiction, joué de la musique expérimentale et de l'électronique live dans divers contextes, et composé pour des festivals à Saskatoon et Birmingham. Graeme est titulaire d'un baccalauréat en musique, d'un baccalauréat en mathématiques et d'un certificat en jazz de l'Université de la Saskatchewan, ainsi que d'une maîtrise en composition électroacoustique et en art sonore de l'Université de Birmingham, au Royaume-Uni.
Frost Worlds: Micro-Geographies of the Anthropocene (11:11 / 2025)
Frost Worlds est une étude microgéographique basée sur des enregistrements réalisés à l’aide de microphones de contact sur la neige et la glace pendant l’hiver à Saskatoon, où la volatilité croissante induite par le changement climatique a entraîné des changements rapides des conditions météorologiques, passant de températures soudaines de -40 °C à des périodes anormalement chaudes et à des précipitations inhabituelles. Entendue de près, cette volatilité génère une succession rapide de paysages sonores glacés qui témoignent à la fois des dommages causés par les humains à nos voisins non humains et du potentiel imaginatif des micro-mondes en constante évolution et adaptation qui nous entourent: un désert hérissé dans un parking vide, de la glace stratifiée et de la saleté migrant dans une gouttière, des piliers de cristal précaires craquant à l’ombre d’un pin, le bruit sourd des flocons de neige sur l’asphalte. Des enregistrements soigneusement réalisés sur le terrain sont combinés à d’autres sources sonores pour explorer la vie de ces mondes minuscules et vibrants.

Gabriel GENEAU
Lauréat du prix Jean-Piché pour la vidéomusique, les nouveaux médias et la programmation créative
Gabriel Geneau est un artiste dont la pratique s’articule autour de la rencontre entre son, lumière et technologie.
Il crée des œuvres où la musique et le visuel se complètent et se nourrissent mutuellement, offrant des expériences sensorielles uniques.
Toujours à la recherche de nouvelles voies créatives, il intègre les outils modernes pour enrichir son langage artistique, tout en restant fidèle à une approche intuitive et émotionnelle.


Ecdysis (vidéo — 7:28 / 2023)
Ecdysis est une vidéomusique qui trace le chemin d’une transformation intérieure. À travers une lutte discrète mais habitée, un corps cherche à se libérer, jusqu’à atteindre un point de bascule. Le film entrelace une musique sensible, des images symboliques et des jeux de lumières dynamiques, invitant le public à plonger dans le va-et-vient d’une mue émotionnelle.

Vivian LI
Lauréate du 2e prix JTTP 2025
Récemment diplômée de l'Université de Montréal, Vivian Li est une artiste sonore et compositrice basée à Tiohtià:ke/Montréal dont le travail explore l'interaction entre la mémoire, la présence et la nature éphémère de l'expérience vécue. À travers des enregistrements sur le terrain, des techniques radiophoniques et la composition spatiale, elle construit des environnements sonores immersifs qui oscillent entre le documentaire et la poésie, où les rires, la pluie et les conversations à demi entendues deviennent des archives résonnantes de l'expérience vécue.
Elle a présenté ses œuvres dans des salles et des festivals nationaux et internationaux, tels que la Biennale de Karachi, Akousma (Montréal), MUTEK (Montréal), Pique (Ottawa), Sound Art Lab (Struer), Inkonst (Malmö), Eastern Bloc (Montréal), perte de signal (Montréal), Kwia (Berlin) et Fondation Phi x Nuit Blanche (Montréal).
Sonic Memories of Fleeting Times | 流声逝忆 (15:00 / 2025)
Sonic Memories of Fleeting Times | 流声逝忆 est une pièce acousmatique multiphonique spatialisée, avec une approche documentariste, explorant les thèmes de l’intimité, de la mémoire et du temps à travers une esthétique inspirée du radio art. L’œuvre s’appuie sur des enregistrements sonores autobiographiques, capturant des moments à la fois banals, intimes et profondément personnels, pour créer une expérience immersive où l’auditeur.e est transporté.e dans une autre réalité, un autre espace-temps.
*
A collection of lived experiences—
laughter, rain, eavesdropped conversations—
preciously fading, as they form.
To remember is to listen closely,
before they recede into the realm of memories.
~ ~ ~
“The curated recording is a hedge against mortality, the fragility of memory, and the ever-receding substance of history.” — Jonathan Sterne

James PLAYER
Lauréat du 3e prix [ex æquo] JTTP 2025, prix Hildegard-Westerkamp pour l’installation et le paysage sonores
James Player est un compositeur et musicien basé à Tio’tia:ke / Montréal. Sa pratique créative englobe la composition multicanal, la bande sonore pour l’art vidéo et les performances live de longue durée. Si une grande partie de son travail récent explore l’audio spatial immersif et la composition de paysages sonores, il reste fidèle à ses racines de guitariste, avec un intérêt particulier pour l’improvisation libre. Il termine actuellement un diplôme en études électroacoustiques à l’Université Concordia.
Camino de Santiago (10:39 / 2025)
Camino de Santiago est une composition sonore à 8 canaux créée à partir d’enregistrements de terrain recueillis lors de la marche sur le Camino Portugués de Porto à Santiago de Compostela avec mon père et mon frère. L’œuvre est à la fois un journal sonore et une méditation sur le mouvement, la mémoire et l’expérience partagée.
Traversant une tapisserie changeante d’environnements — de l’énergie vibrante d’un concert dans une cour de ville animée, à la résonance dramatique des cloches d’église, en passant par l’écoulement des rivières et des ruisseaux de campagne — la pièce invite les auditeurs à marcher avec nous. Au fond, Camino de Santiago explore l’interaction entre l’espace physique et l’espace intérieur, entre la présence et la réflexion.

Michele SELVAGGI
Lauréat du 3e prix [ex æquo] JTTP 2025, prix Micheline-Coulombe-Saint-Marcoux pour les artistes électroacoustiques auto‑identifié·es comme femmes ou personnes non binaires
Michele Selvaggi, compositeur et interprète trois fois lauréat du prix SOCAN, est originaire du centre-ville de Toronto et possède de solides racines italiennes du sud. Il est actuellement basé à Toronto et à Bâle, où il a récemment obtenu son diplôme de troisième cycle. Profondément préoccupé par l'expérience physiologique et perceptuelle de la musique, notamment motivé par sa propre confrontation existentielle avec le passage du temps, le travail expérimental de Michele est fortement influencé par ses études antérieures en sciences naturelles, ce qui se traduit par des topographies sonores bruyantes et des environnements électroacoustiques détaillés, souvent teintés par son quotidien marqué par une anxiété intense et des troubles obsessionnels compulsifs. L'intonation juste, les systèmes de rétroaction et les paysages sonores ne sont que quelques-unes des fascinations qui teintent de manière inhabituelle son approche du son.
Michele a reçu plus de 20 prix et distinctions, dont les prix SOCAN Foundation Composer Awards dans les catégories musique de chambre et musique électroacoustique, le prix Eduard Brunner Composition Prize 2025 de la Musik-Akademie Basel, ainsi que le Residency Prix CIME 2021. Sa musique a été incluse dans la candidature de la section canadienne aux Journées mondiales de la musique de l'ISCM en 2024, présélectionnée pour le prix Red Jasper 2022 et lui a valu une nomination pour la bourse Rhodes 2021. Dans son travail le plus récent, Michele a développé une recherche qui explore ce qu'il appelle « l'entropie sonore », aboutissant à une thèse primée sur la dérive entropique à la Musik-Akademie Basel, qui s'efforce d'unifier les domaines des arts et des sciences naturelles en développant son propre style scientifiquement informé. Il termine actuellement une série plus importante de pièces électroacoustiques commandées par des interprètes basés à Bâle, financées par la Fondation Nicati - de Luze.
Quondam, Apparatus (16:30 / 2023)
Quondam, Apparatus a été écrit pour le [*supprimé pour préserver l’anonymat*] en collaboration avec le Musée Tinguely. La conceptualisation de cette œuvre s’est imposée à la fois comme une continuation de mon exploration du concept d’entropie sonore — dans la continuité directe d’une série d’œuvres que j’ai créées au cours de l’année écoulée — et comme une nouvelle recherche sur les recréations acoustiques d’environnements du monde réel; dans ce cas particulier, je cherchais à recréer les machines cinétiques de Jean Tinguely. Avant de commencer cette œuvre, le Musée Tinguely m’a fourni divers échantillons enregistrés de machines, chacune ayant son propre caractère. J’ai classé ces enregistrements dans l’espace en fonction de leur relation entropique les uns par rapport aux autres, en tenant compte du contenu spectral, de la structure sonore et de la complexité de chaque entité, créant ainsi, en substance, un réseau machinique à travers lequel l’œuvre devait voyager.
Les machines existent en tant qu’êtres singuliers dans le musée lui-même, destinées à être écoutées individuellement et successivement; je voulais sortir chaque entité de son contexte temporel et matériel, en la plaçant dans un conglomérat plus vaste et saturé qui grandissait, s’étendait et évoluait en complexité au fil du temps. Souvent, les mouvements internes des machines sont explorés en détail, représentés par des instruments ou révélés par un filtrage acoustique. Sept transducteurs fixés à différentes parties du piano et à différents instruments à percussion permettent à certaines composantes des machines seulement d’entrer dans l’espace de l’ensemble; cette forme de filtrage acoustique permet à chaque machine d’être transformée par l’instrument lui-même, où elle peut ensuite être doublement réinterprétée par les instruments et les objets en direct. De plus, une machine Tinguely en direct devient son propre joueur au sein du schéma sonore, travaillant en tandem avec l’ensemble/le nuage électronique existant — déjà agité et ondulant de micro-mouvements mécaniques — pour créer une hyper-machine supposée. L’idée de transformation progressive dans cette œuvre reflète le débat actuel sur la manière dont certaines technologies mécaniques ont évolué, se maintiennent aujourd’hui et évolueront dans un avenir proche à mesure que de nouveaux développements seront réalisés dans le domaine de la mécanisation et de l’industrialisation.

Justin TATONE
Lauréat du 3e prix [ex æquo] JTTP 2025
TATO (né Justin Tatone) est un artiste et compositeur canadien qui explore la manière dont la technologie interprète, déforme et abstrait la nature. Son travail fait le pont entre différentes disciplines tout en conservant un intérêt constant pour la manière dont le contrôle, la décomposition et l'illusion se recoupent dans la métaphore écologique et la perturbation non violente. Depuis la conception de son système de synthétiseur modulaire Eurorack en 2022, TATO s'est engagé dans une exploration sonore à un niveau profondément structurel, combinant des techniques telles que les algorithmes génératifs dans les synthétiseurs numériques basés sur du code et l'improvisation en temps réel dans un patch de synthétiseur analogique. Diplômé du programme d'études électroacoustiques de l'université Concordia, TATO a également reçu le prix Hugh et Trudi Le Caine en électroacoustique (2024), le prix Alain Thibault en électroacoustique (2024) et le prix Robert Daniel Ball Memorial en musique (2025), tous à l'âge de 21 ans. TATO a composé pour des ensembles live, notamment le Concordia Laptop Orchestra, et a travaillé à l'international en tant que compositeur pour le cinéma et la publicité. En 2025, il a entrepris une étude mondiale autodirigée sur l'art contemporain, visitant les principales institutions d'Europe, d'Amérique du Sud et d'Asie du Sud-Est. Sa pratique s'est étendue à l'installation, à la sculpture et aux arts visuels après avoir été assistant de studio et mentoré de l'artiste-compositeur Adam Basanta, pour culminer au 23e Festival international de l'image à Manizales, en Colombie, où TATO a présenté des peintures numériques basées sur ses principes de composition du feedback et du biomimétisme.
XIV. Concord 1 - 5 With Concordia Laptop Orchestra (Stereo) (22:15 / 2025)
Concord est une exploration de la coexistence, sur les plans conceptuel, sonore et spatial. La composition s’interroge sur la manière dont des éléments sonores divergents peuvent partager un même espace sans se fondre dans l’uniformité, invitant l’auditeur à appréhender la différence non comme un conflit, mais comme une présence stratifiée. L’idée de coexistence est tissée dans toutes les dimensions de la pièce. De manière extrinsèque: à travers la spatialisation (diffusion), le contexte culturel et le sens sémantique. Et intrinsèquement: dans les éléments mêmes de la composition — les tons, rythmes, phrases et gestes qui reflètent la coexistence à des niveaux micro et macro.
La pièce se déploie dans un environnement multicanal quadriphonique composé de deux paires stéréo distinctes: l’une à l’avant du public, l’autre à l’arrière. La paire avant présente des enregistrements bruts captés lors d’une manifestation sur le campus de l’Université Concordia, durant laquelle les étudiant·e·s demandaient le désinvestissement de l’université des entreprises liées au complexe militaro-industriel. Ces enregistrements sont associés à une paire arrière contenant des versions transformées du même matériel, traitées par vocodage spectral.
Ce traitement spectral utilise les caractéristiques sonores de l’Orchestre de portables de Concordia, superposées aux enregistrements de la manifestation via un processus récursif de filtrage en bandes et de suivi d’enveloppes. Les textures obtenues reflètent mon intérêt plus large pour la biomimétique sonore: l’imitation de comportements sonores naturels et organiques par des moyens synthétiques ou numériques. Le contraste entre sons bruts et sons transformés crée un dialogue continu entre source et mutation, nature et artifice, représentation et abstraction.
Les enregistrements de terrain ne sont pas seulement du matériau sonore: ce sont aussi des ancrages sémantiques. Bien que Concord ne soit pas explicitement politique, il n’est pas neutre. L’inclusion et la transformation de sons de manifestation situent la pièce dans un discours sur la désobéissance civile et la perturbation sonore. Concord n’exprime pas son propos par une déclaration directe, mais par sa forme: par la coexistence de matériaux et de perspectives qui, autrement, sembleraient incompatibles — des étudiant·e·s en colère et leur institution, une onde sinusoïdale et son double légèrement désaccordé — tous en chemin vers une concorde, une consonance, comme le suggèrent les premiers et derniers gestes de la pièce.
L’idée de coexistence m’est venue en entendant un·e saxophoniste produire un growl puissant lors d’un concert de jazz. Cette technique, dans laquelle l’interprète fredonne une version légèrement désaccordée de la note qu’il ou elle joue à travers l’instrument, crée une texture riche en battements, exemplaire de la coexistence de deux sons similaires mais divergents. Mes tentatives pour recréer numériquement ce phénomène ont échoué à reproduire sa nuance acoustique, mais ces échecs ont ouvert de nouvelles pistes de composition, me menant finalement aux techniques de vocodage qui définissent le langage sonore de Concord.
D’autres procédés renforcent ce thème central. La synthèse additive est utilisée pour reconstruire une onde triangulaire, avec des décalages de phase aléatoires appliqués à chaque harmonique, produisant ainsi des motifs de battements complexes. Ces interférences, souvent perçues comme dissonantes ou instables, sont ici traitées comme des instances de coexistence. Des structures cadentielles émergent tout au long de la pièce, non comme lieux de résolution, mais comme gestes d’interruption ou de pause: des harmonies temporaires qui reconnaissent la tension sans la résoudre. Le rythme et la mesure sont également superposés: certains motifs proviennent du pouls naturel des enregistrements de la manifestation, d’autres sont joués par l’orchestre de portables. Ces strates rythmiques évoluent indépendamment tout en dialoguant, créant un environnement rythmique pluriel.
Au final, Concord est un espace où conflit et harmonie ne sont pas opposés, mais cohabitent. C’est une œuvre sur l’écoute profonde: de la protestation, de la transformation, de la tension, et des possibilités silencieuses de la présence. Ici, la coexistence ne vise pas la résolution, mais la tenue d’un espace pour la contradiction, la perturbation, et la beauté incertaine qui surgit quand les choses sont autorisées à exister ensemble, sans s’annihiler.
Jury
Le jury international de cette année était formé de 8 personnes issues de milieux artistiques et champs d’intérêt variés : artistes, interprètes, personnes impliquées dans les milieux de la radio, de la production de concert et des organismes artistiques, enseignant·e·s, ainsi que des artistes des éditions antérieures de JTTP.
Kristi Allik (Kingston, ON)
Nicolas Bourgeois (Montréal, QC)
Andrea-Jane Cornell (Montréal, QC)
Ana Dall'Ara-Majek (Montréal, QC)
Brian Garbet (Saskatoon, SK)
Vanessa Massera (Montréal, QC)
James O'Callaghan (Berlin, DE)
Dominic Sambucco (Padru, IT)
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